Par Jean Baptiste QUICLET, Entraîneur cycliste professionnel
La technique de pédalage est une faculté très souvent négligée à l’entraînement et pourtant, l’aptitude à bien pédaler impacte directement le coût énergétique, et donc la performance physique. Les nageurs apprennent à bien nager techniquement, les skieurs apprennent à bien glisser mais les cyclistes n’apprennent pas à bien pédaler.
Pourtant, la technique de pédalage n’est pas un geste naturel, elle requiert des capacités de concentration et de coordination pour être le plus efficace possible dans le transfert d’énergie entre le corps et le vélo. Même s’il est convenu que le patrimoine génétique intervient dans ces qualités, il demeure intéressant de travailler régulièrement la technique de pédalage, afin de réduire au maximum son coût énergétique dans toutes les conditions de la pratique : en côte, sur le plat, en danseuse, en position aérodynamique…
Le principe de base
Le geste de pédalage est un mouvement circulaire complexe, alternant sur chacun des membres inférieurs une phase de pression et une phase de traction entrecoupée de deux points morts hauts et bas. Le principe de base d’un bon pédalage est de réaliser la meilleure transmission de force sur la pédale lors des deux phases, tout en minimisant l’impact des points morts. Les facteurs déterminants sont nombreux : coordination intra et extra musculaire, gainage, souplesse, souplesse de la cheville, équilibre musculaire entre le quadriceps et les ischio-jambiers…
Les exercices pour améliorer sa technique
La complexité dans l’amélioration de la technique de pédalage est la suivante : les éléments déterminants sont multi-factuels et aucun élément de progression ne prédomine dans la réalisation du geste. Il est donc nécessaire d’être cohérent dans son approche et de travailler point par point, sans faire de distinction, pour vous garantir une progression dans la gestion de vos cadences.
Il est inutile de pousser des centaines de kilos sous la presse à quadriceps en musculation, si vous ne travaillez pas votre souplesse et inversement. De plus, le travail de la technique de pédalage fait appel à des sollicitations cognitives importantes. En ski, on parlerait de « touché de neige », nous, nous pouvons parler de « touché de pédale ». Ce sont des notions quelque peu abstraites mais qui demandent un haut niveau de concentration et de coordination pour apprendre à réaliser le bon geste.
En résumé, prenez de le temps de travailler méticuleusement la coordination, ce travail n’est pas forcément énergétique donc pas difficile en soi, mais il demande beaucoup de concentration. Par conséquent, favorisez ce travail à des périodes sans grande fatigue, pendant une reprise ou une coupure, car votre style de pédalage sera déjà dégradé si votre influx nerveux est déjà perturbé par des longues séances d’entraînement. Vous ne feriez donc pas le bon geste.
Force x vélocité.
Le travail de force x vélocité est tout simplement un travail de musculation sur le vélo. C’est un des fondamentaux de la performance en cyclisme pour l’amélioration de la puissance (Puissance = force x vélocité). Le principe est simple : alternez un temps d’effort à une faible cadence (en force), puis un temps d’effort à une cadence élevée (vélocité). Par exemple, lors de votre circuit d’entraînement, après avoir réalisé un échauffement de 30’, réalisez une ascension de 15’ en alternant 2′ à 50 rpm puis 1′ à 90 rpm.
Le travail est à réaliser à une intensité modérée. Le but est de déstructurer au maximum les cellules afin de générer une amélioration du rendement musculaire, grâce à la plasticité des fibres. Généralement, il est préconisé de travailler toujours en position assise sur le vélo, mais après avoir assimilé le format de ce genre de séance, pourquoi ne pas le travailler également en danseuse. Attention, le travail de force est bénéfique seulement s’il est suivi d’un travail de vélocité. Trop souvent, cette dernière est négligée et l’efficacité de votre geste s’en ressent.
Autre travail de musculation possible : la musculation en salle. Lors du pédalage, quatre groupes musculaires sont principalement sollicités. Dans la phase de pression, le quadriceps, le grand fessier et le triceps sural (mollets) fournissent la majeure partie de la force appliquée sur la pédale. Dans la phase de traction, les ischio-jambiers, le grand fessier et le triceps sural permettent le retour de la pédale en position haute.
Comme nous l’avons expliqué précédemment, la force appliquée sur les pédales est la résultante directe de la réalisation du geste de pédalage. Développer la force des groupes musculaires principaux prend donc tout son sens pour améliorer le pédalage. C’est une approche un peu plus éloignée de la culture du cyclisme, mais pour des pratiquants déjà chevronnés, sa mise en pratique peut générer de nouveaux paliers de progression. Optez pour un travail de musculation en salle où des personnes compétentes sauront vous conseiller par rapport à votre niveau et aux qualités recherchées pour la pratique du vélo.
Elément complémentaire et indispensable : le gainage. Le gainage est le renforcement des muscles profonds et superficiels du tronc (abdominaux, dorsaux, muscle inspirateur…). Il peut être réalisé de manière statique ou dynamique, avec ou sans appareil. Ces muscles interviennent dans la transmission de l’énergie, du haut du corps jusqu’aux pieds, grâce aux chaines musculaires. En d’autres termes, ils limitent les mouvements parasites au pédalage. Avoir un bon gainage permet d’améliorer l’efficacité du pédalage par un meilleur rendement des membres inférieurs, surtout au niveau de la fixation du bassin.
La souplesse.
La souplesse est indissociable du travail de musculation. Lors du pédalage, la souplesse du membre inférieur permet d’optimiser la transition entre la pression et la traction. En d’autres termes, elle permet de réduire les points morts haut et bas et de minimiser l’effet « piston » du pédalage. Dans le jargon du cyclisme, on parle du « pédaler rond ». Ainsi, il est préconisé de réaliser une séance de stretching de 15 minutes après chaque séance. C’est un travail de tous les jours mais nécessaire à la recherche de la gestuelle optimale.
La proprioception.
La proprioception est un terme employé dans la kinésithérapie pour définir tous les récepteurs et voies qui permettent la sensibilité d’un geste, qu’il soit conscient ou inconscient. Cette notion fait appel à l’image du « touché de pédale », avoir le geste idéal pour transmettre la totalité de la puissance appliquée sur la pédale. L’idée est de travailler la gestuelle dans des conditions de pédalage complètement différentes du geste de base afin de stimuler l’activité nerveuse et donc de créer de nouveaux schémas de neurones.
C’est un travail de concentration, le niveau de difficulté physique doit être faible pour éviter la dégradation du geste due à la fatigue générée par l’exercice. L’un des meilleurs exercices de proprioception dans le cyclisme est le travail en unijambiste. L’idéal est de réaliser la séance sur home trainer pour garantir une stabilité du pédalage. Le principe est d’alterner 3 à 5 min de pédalage sur la jambe droite, puis uniquement la gauche et enfin, les deux. Les séances ne doivent pas excéder 20 à 25 min pour garder une bonne qualité de concentration.
La particularité du coup de pédalage de la montagne
Il n’est pas possible de parler de la technique de pédalage sans parler de la spécificité du coup de pédale en montagne ou plus largement en montée. En effet, lorsque la route s’élève, la gestuelle n’est pas la même que sur le plat. La pente de la route modifie l’inclinaison du cycliste par rapport au sol et au vélo. L’angle d’attaque de la pédale est différent et le point où la force est au maximum intervient plutôt dans la rotation. Si vous voulez être complet, travaillez par conséquent la gestuelle dans les deux conditions : plat et en montée. Il n’y a pas cinquante solutions, il faut pratiquer ! Si votre environnement du quotidien ne le permet pas, optez pour un séjour sportif au printemps dans un environnement montagneux.
La condition sine qua non
Le travail de la technique de pédalage fait appel à des notions de biomécanique homme-machine et il demeure donc essentiel que votre position soit la plus adaptée possible à votre monture, afin de garantir la meilleure efficacité. C’est la condition sine qua non avant d’engager tout travail sur la gestuelle du pédalage. Pour cela, il est intéressant de passer en revue tous les points d’appui sur le vélo, qui peuvent être modifiés par les réglages ou l’usure de certaines pièces clefs :
- Cadre : hauteur de cadre, longueur de manivelles, hauteur de selle, longueur de potence, réglage du cintre.
- Selle : réglage du chariot, usure de la selle.
- Pédales : réglage des cales, usure des cales.
- Chaussures : choix de modèles, nécessité d’une semelle technique.
Si vous n’avez pas de notions dans ce domaine, demandez conseil auprès de votre vélociste. Il saura vous renseigner ou vous donnez des adresses pour réaliser une étude posturale.